Bienvenue!

Aux organisateurs, au public:

 

Pour une Charte du Spectacle Historique, billet d'humeur (mauvaise, l'humeur!):

 

Médiéval, ou "merdiéval"?

"Je déplore personnellement la saturation du marché par un certain nombre de troupes ou de groupes se disant "de musique médiévale" mais n'en ayant que le nom, et en aucun cas nullement les attributs légitimes. Aussi donnent-ils à entendre au public, au lieu d'authentique musique ancienne, des airs piochés au petit bonheur dans les répertoires des musiques traditionnelles de Bretagne ou d'ailleurs. Peu leur importe (soit qu'ils l'ignorent, soit qu'ils feignent de l'ignorer) que ces musiques ne remontent pour la plupart pas plus loin qu'au XIX° siècle! Quant aux instruments utilisés, il faut bien être conscient que les bouzoukis plats de type irlandais, les percussions de type djembe, les cornemuses écossaises sont d'introduction très récente dans les musiques traditionnelles et n'ont aucune légitimité à figurer dans un spectacle dit médiéval. A quand la guitare électrique (c'est en bonne voie, j'ai vu un "groupe" oser sortir un accordéon à la fête du château de Sierck les Bains!)? Ces groupes, parfois empreints des meilleures intentions et d'un talent indéniable pour certains (d'aucuns sont même des copains), font cependant un grand tort aux musiques anciennes en en donnant au public une image déformée, voire mensongère.

 

Ces danses médiévales qu'on ne voit jamais!

D'où viennent les danses exécutées lors des fêtes médiévales? La danse existait bien sûr au Moyen-Âge. A côté d'un solide corpus de chants (dont certains voués à mener la danse) de troubadours, trouvères et de Minnesänger, peu de mélodies instrumentales nous sont parvenues, mais toutes sont d'une grande beauté. En revanche, on est presque totalement ignorant des chorégraphies. Il existe une abondante iconographie dépeignant des danses en cercle, sortes de rondes qu'on nommait "caroles". Ces danses sont attestées, mais on ne sait rien des pas, elles sont donc impossible à reconstruire sérieusement. Les plus anciennes chorégraphies remontent au XV° siècle, elles s'exécutent sur des "basses dances" et autre "balli" originaires des cours d'Italie et de Bourgogne. Ces danses aristocratiques sont très codifiées et d'une grande complexité, tout comme les musiques sur lesquelles elles s'exécutent, polyphonies à trois voix... dont une seule nous est parvenue, les autres devant improvisées selon des rêgles très précises et non moins complexes.

 

La Renaissance, une période négligée et incomprise

Voilà pourquoi musiciens et danseurs se sont rabattus sur les danses de la Renaissance française, pour l'essentiel les branles (négligeant au passage les basses danses, tourdions, gaillardes, allemandes et autres voltes!). Tout en continuant d'appeler "musique médiévale" ce qui est en réalité de la musique de la Renaissance tardive, publiée essentiellement dans la seconde moitié du XVI° siècle (entre 1551 et 1589). Quand ce n'est pas pour danser carrément un an-dro breton, qui est certes un branle, mais un descendant relativement moderne de ce qu'étaient les branles anciens, avec lesquels il n'a plus de commun que le pas de base, et en aucun cas la musique ni l'esprit...

 

Ubu Organisateur de spectacle!

Démarcher des organisateurs de fête médiévale en disant "Nous jouons de la musique du Moyen-Âge ET de la Renaissance", c'est risquer presque à chaque fois de s'entendre dire par un interlocuteur abusé par deux décénies d'escroquerie musicale: "Médiéval OK, mais Renaissance ce n'est pas pour nous!", lequel va finalement opter pour un groupe se disant "médiéval", qui va jouer en kilt et sur une cornemuse écossaise, un bouzouki électro-acoustique avec des mécaniques à bain d'huile et un rutilant djembe CAMIF, quelques branles Renaissance au milieu de bourrées berrichonnes de 1900 et de danses bretonnes ou irlandaises du même tonneau... sans oublier de chanter une reprise de Chanson + Bi-fluorée! J'aimerais exagérer, mais hélas!... Ainsi telle organisatrice d'une fête médiévale qui n'avait pas retenu ma proposition parce qu'elle incluait le mot "Renaissance" et qu'elle voulait du médiéval pur, et qui a fini par programmer un groupe de folk rock d'inspiration irlandaise avec basse & batterie!

Que dire de ces rares fêtes "Renaissance" de France, qui programment parfois le meilleur (il faut le reconnaître quand c'est le cas), et souvent le pire, sans égards pour le public qui se fait rouler dans la farine. Je ne donnerai pas de noms, on n'achève pas un âne mort!

C'est un mal typiquement français et belge que de se leurrer à ce point sur la supposée authenticité des répertoires abordés dans les manifestations. Les Allemands sont plus pointus, quoique sombrant parfois dans d'autres excès gothico-foireux. Il n'y a qu'en Grande Bretagne que j'aie pu assister à des reconstitutions de qualité.

Pourtant le tableau n'est pas totalement noir. Il existe en France quelques trop rares groupes sérieux et musicalement compétents. Ce ne sont pas ceux que l'on voit le plus sur les grosses fêtes... c'est bien là le problème! Ils se reconnaîtront.

 

Un répertoire authentique

Dans les cadres de mes spectacles de musique ancienne, je mets un point d'honneur à servir l'époque reconstituée (Moyen-Âge, Renaissance ou autre) avec un maximum de rigueur historique et musicologique. Le but ultime de ma démarche est de présenter au public des sonorités aussi proches que possible de ce que les auditeurs de l'époque ont pu entendre. Les instruments à cordes pincées que j'utilise ne sont pas accordés comme une guitare! Le répertoire abordé est tiré des sources manuscrites ou imprimées authentiques de l'époque visée.

 

Des instruments historiques

Entre le XIV° et le XVI° siècle, la grande majorité des instruments a tellement évolué qu'ils ne sont pas interchangeables sans trahir l'esprit de chacune des deux époques. On ne peut donc généralement même pas utiliser les instruments médiévaux pour jouer Renaissance, et inversement. Les instruments que j'utilise sont de fidèles copies des instruments anciens reconstruits par des maîtres luthiers de renommée internationale.

Quand parfois au cours d'un spectacle un morceau d'une autre tradition est interprété, ou qu'un instrument plus moderne est utilisé, je le précise au public.

Les gens doivent pouvoir repartir d'un spectacle en ayant entendu et appris des choses valables qui vont améliorer leur connaissance du passé. C'est le rôle des musiciens, qui font partie des rares personnes (censées être) véritablement spécialisées sur des périodes données, de transmettre des informations justes et vérifiables. S'ils se bornent à jouer un bouillasson pseudo-folk sur des instruments totalement anachroniques, ils se rendent coupables d'escroquerie intellectuelle (d'autant plus grave qu'elle est souvent volontaire), et de tromperie sur la marchandise!

J'aime aussi les répertoires dits "folk" ou "celtiques" (j'utilise des guillemets car pour moi ces termes sont des coquilles vides ne recouvrant aucune réalité musicale, tout au plus des étiquettes commerciales). Ils font partie de ma formation de musicien et de mon bagage, et je les joue toujours avec grand plaisir. Jouer des bourrées sur ma vielle bourbonnaise sur un coin de scène à St Chartier, ou taper le boeuf avec mon banjo lors d'une session irlandaise dans un pub, voilà de grands moments de bonheur pour moi. Mais dans leur contexte!!!

 

J'ai la fierté d'avoir pu, en 15 ans de direction artistique des Ménestreux de la Branche Rouge, faire évoluer un groupe de musiciens de bal folk vers une interprétation sérieuse et vivifiante des répertoires anciens, avant que leurs anciens démons ne reprennent le dessus. Tout comme je suis fier d'avoir réuni mon nouveau groupe Lyra Mendicorum, autour de projets de haut niveau et d'une grande qualité musicale: la naissance de la musique instrumentale au Moyen-Âge, la musique de danse de la Renaissance, et les musiques baroques populaires. Je suis tout aussi fier de mes spectacles solo "Au Joly Bois" et "Arnaud le Ménétrier Lorrain". Le retour du public et des organisateurs, le succès de mes disques, me confirment que j'ai raison de continuer dans cette voie.

Les musiques anciennes sont si belles et si riches pour qui veut se donner la peine de s'y plonger avec sérieux et dévouement. Nous musiciens nous devons de les servir comme on sert une chose plus grande que soi. Pas les prostituer pour gagner un argent facile et exempt de tout mérite. Je ne peux pas accepter qu'on les trahisse, ni qu'on prenne le public qui nous applaudit pour des imbéciles.

 

Une charte de qualité

Je fais mien "l'engagement qualité" établi par Claude Nadeau, interprète de musique ancienne, que je remercie au passage d'avoir écrit un texte si pertinent, dont voici quelques extraits:

"-Ne jamais prendre le public pour des imbéciles. Peu importe le public ou le lieu, on peut faire une musique historiquement documentée et intéressante à la fois: elle est d'ailleurs d'autant plus intéressante qu'elle s'appuie sur des bases historiques. Ne jamais tenir pour acquis que personne ne se rendra compte d'éventuels anachronismes ou erreurs. Ne pas se contenter de faux-semblants sous prétexte que le public n'y connait rien et n'y verra que du feu. Ne pas vouloir "faire médiéval" en usant de clichés. Vouloir donner aux visiteurs, qui ne demandent qu'à mieux connaître l'histoire, une prestation de qualité qui satisfasse à la fois les néophytes et les connaisseurs les plus avertis. Ne jamais niveler par le bas mais demeurer accessible à tous. [...]

-Ne jamais céder à la facilité. Je veux travailler d'après les sources et ne pas reproduire l'image d'une image; ne pas dire nécessairement aux gens ce qu'ils veulent entendre mais faire preuve de pédagogie; vouloir aller toujours plus loin; s'abstenir des assertions incertaines; toujours travailler au meilleur de sa conscience professionnelle."

 

Aux organisateurs qui voudront collaborer avec moi pour l'animation de leur manifestation, je ferai désormais parvenir au préalable ma propre charte de qualité, ceci afin que notre collaboration soit fructueuse pour toutes les parties, et que le public ne soit pas lésé par le nivellement par le bas ambiant, qui doit cesser de se généraliser."

Arnaud Lachambre

Rions un peu!

Trouvé sur internet, le summum du foutage de gueule! Bouzouki celto-merdiéval et djembe acheté aux Trois Suisses...